Bugis street

Décembre 1980, je quitte Paris pour un voyage de deux ans en Asie et en Australie. J’ai peu d’expérience de la photographie. Après un mois passé à Bangkok, j’arrive à Singapour où je prends pension dans un hôtel situé au quatrième étage d’une tour anonyme. Quelques jours plus tard, je me dirige vers le vieux quartier chinois de Bugis street. Il est minuit, d’étranges créatures androgynes arrivent en taxi. Vêtues de robes sexy moulantes ou de pantalons satinés, maquillées comme des divas, portant des chaussures à talons hauts, elles prennent possession de leur territoire. La rue semble leur appartenir et leur entrée théâtrale a été suivie par des yeux scrutateurs. Il semble que la plupart des visiteurs sont là pour assister au spectacle qui vient de commencer. J’engage la conversation avec Rose, d’origine malaise. Elle a vingt-trois ans, un visage masculin très dessiné, le corps filiforme et musclé. Elle veut savoir d’où je viens et combien de temps, je vais rester à Singapour. Dans les semaines qui suivent, je deviens proche de Rose qui me présente à ses amies, Amina, Danita, Delphine et Susanna. Elles aiment que je les photographie et elles prennent la pose d’une manière naturelle. Au bout de quelques semaines, à court d’argent, je dois quitter Singapour pour l’Australie. J’y reviendrai en 1984 et j’apprendrai que le quartier de Bugis street va être détruit pour y construire un métro. Pendant plus de vingt-cinq ans, j’oubliais ces photographies. Je les ai redécouvertes récemment.

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